Fin du chapitre de Pointe-Claire: Nathalie Turgeon, pharmacienne.

Quand Geneviève et moi avons quitté le Mile End pour Beaconsfield, nous avons acheté notre maison sur la rue Jasper à Beaconsfield. Nous y avons habité durant 13 ans. À chaque deux jours je faisais mon jogging et je passais devant une maison sur la rue Claude. Je disais souvent à Geneviève que si on déménageait un jour, on achèterait cette maison.

Puis comme ça, un jour, nous avons appris qu’elle serait mise en vente le lendemain. Ils n’ont pas eu à planter de pancartes!La maison de la rue Jasper est où Lili Avril est née. C’est aussi là que pour la première fois de ma vie, je me suis prouvé que j’étais capable de manier le marteau en rénovant moi-même tout le sous-sol et que j’ai construit le bureau où Conceptis Technologies allait naître.

Nathalie et Yves vivaient à Ottawa. Elle était pharmacienne à l’hôpital Général et quand Yves a obtenu un poste chez Air Canada à Dorval, ils ont acheté notre maison. Ils nous ont souvent invité à souper et vice-versa et Nathalie n’était pas peu fière quand Conceptis avait gagné le Grand Prix du jury du Milia à Cannes pour la meilleure utilisation de l’interactivité en temps réel. Nous avions 19 employés à l’époque et nous avions coiffé le site de CNN, les produits de Sony Interactive et Disney Interactive. Elle me disait «J’en reviens pas que ta compagnie a été créée dans ma maison.»

Quand j’ai eu l’idée d’ouvrir la pharmacie dans le village en 2007 et que je lui en ai parlé, sa réponse a été, on ne peut plus claire: «Non». Elle enseignait à l’Université de Montréal à la Faculté de pharmacie et elle ne se voyait pas du tout dans le milieu communautaire. Mais c’était sans compter sur le côté presque obsessif de vouloir m’associer avec cette pharmacienne de coeur que je savais dotée d’un amour profond pour notre profession. Deux choses ont servi à convaincre Nathalie: Son frère François, comptable, qui tentait sans succès depuis plusieurs années de la convaincre de devenir pharmacienne propriétaire et la promesse que je lui ai faite de lui permettre de développer la démarche de soins pharmaceutiques.

Je me souviendrai toujours de la rencontre chez elle dans son salon, notre ancien salon où nous avons obtenu le oui.Je voue une admiration sans borne à cette professionnelle. Elle, à qui j’ai fait vivre toutes les émotions avec mon éternelle difficulté à avoir des réunions ponctuelles, mon refus de me pencher sur les détails, mes états d’âme, mais surtout, surtout, l’aventure de l’épicerie.

Cette aventure qui m’a forcé à vendre à Nathalie mes parts dans ce que nous avions bâti ensemble pour payer ma fresque et mes frasques. Et de devenir son employé…?Elle ne m’a jamais jugé. Au contraire, elle a tout fait pour m’aider. Jusqu’à la fin.

Finalement, nous avons fait des Soins pharmaceutiques et elle et Sébastien ont publié les résultats de leur travail dans une revue à comité de lecture revue par les pairs. Elle a encadré des dizaines d’étudiants en pharmacie avec un aplomb hors du commun. Et elle a pratiqué la pharmacie comme elle pensait que la pharmacie devait se pratiquer. Combien de fois je l’ai vu au bord des sanglots parce qu’elle venait de tenir tête à un médecin qui ne respectait pas son expertise. Toujours dans le but d’offrir le meilleur, vraiment le meilleur service aux clients.

Le plus grand défi de Nathalie, en toute humilité, aura été de devoir «dealer» avec Roger Simard. Qui se prend pour un cheval sauvage qu’aucun cavalier ne pourra dompter. Elle a surmonté ce défi, pour le plus grand bien du village.Aujourd’hui la pharmacie Nathalie Turgeon vous attend, en plein coeur du village de Pointe-Claire.Nathalie, tu seras toujours mon modèle et mon inspiration et je ne serais pas devenu le pharmacien que je suis devenu sans t’avoir cotoyé.Merci… et pardon.

Si vous y allez et que vous avez une drôle d’impression, c’est peut-être que j’y flotte encore un peu et que ce texte vous revient à l’esprit. Ne vous en faites, pas je ne suis pas un fantôme, c’est seulement que j’y suis souvent en pensée moi-même…