Fin du chapitre de Pointe-Claire: Nedia El-Khoury, Guylaine et May Choueri – Marchandes dans le village

Nedia El Khoury – La galerie d’art Viva Vida.


Je pensais que la personne que je connaissais et qui était la plus occupée sur la planète était mon ami Eric Topol de la Scripps Clinic de San Diego. Jusqu’à ce que je rencontre Nedia. Déjà, de faire commerce dans le village représente un défi de taille. Quand vous faites dans la galerie d’art et en plus mère de famille, ça devient difficile à imaginer. Pas pour Nedia!


Je l’ai rencontré alors qu’elle assumait la présidence de l’Association des marchands du village, et qu’elle se donnait corps et âme pour la revitalisation de notre tissu commercial et l’organisation des événements promotionnels. B-B-Q, fermeture de la rue, festivités, etc.

En plus d’organiser ses ateliers d’art durant l’été pour les enfants du voisinage, elle avait gentiment accepté de prêter sa galerie pour l’événement que nous avons organisé pour lever des fonds pour la murale et elle a travaillé d’arrache-pied pour en faire un succès. Et elle a bien sûr dû et su, avec brio, arbitrer les conflits inévitables entre les marchands.


Quand vous vous arrêterez à sa galerie, vous pourrez peut-être y rencontrer son mari Rob, un autre infatiguable, qui a tellement fait pour que nos activités se déroulent de façon impeccable. Rob est du Nouveau-Brunswick et un jour il est venu à la pharmacie un peu paniqué parce que sa mère, en visite, avait oublié ses timbres pour la douleur. Si elle en manquait, cette situation aurait été dangereuse pour sa santé car elle aurait pu tomber en sevrage. Et dans notre système de santé, celui où il n’y a pas d’interopérabilité provinciale, (Même chose pour la bière… Parlez-en à Gérard Comeau, cet autre néo-brunswickois, qui ira en Cour Suprême pour défendre son droit d’acheter de la bière au Québec http://www.journaldemontreal.com/…/la-cour-supreme-va-t… ) il m’était impossible d’accepter une ordonnance pour un narcotique d’un médecin du Nouveau-Brunswick. L’alternative était donc l’urgence du Lakeshore avec ses 14 heures d’attente. C’est grâce à un ami médecin, ces amis essentiels dans notre système de soins de santé, que j’ai pu lui servir son médicament.


Quand les choses étaient difficiles, et Dieu sait qu’elles l’ont été durant toute la période de l’épicerie, c’est souvent à sa galerie que je me réfugiais pour aller y chercher un calin et parler de ses nouveaux poulins.


Merci pour tout Nedia xx


May Choueri – Annie & Sue


«Madame May» que je l’appelais quand elle venait à la pharmacie. Et elle éclatait de rire! Le rire, c’était souvent la première pilule que je servais à mes clients. J’ai toujours l’impression que tu vas m’appeler Madame Claude qu’elle me disait. Elle venait souvent chercher ses médicaments à la fin de sa journée de travail, fatiguée, et j’en profitais pour lui réciter «Richard», de Léo Ferré. «T’es le seul pharmacien-poète que je connaisse Roger»


May était la voisine de Guylaine, la propriétaire du salon de barbier, qui elle était la voisine de la pharmacie. May et moi avons vécu de très près la tragédie de Guylaine;


Guylaine était ma coiffeuse, et elle avait un style impossible à décrire. Aller se faire couper les cheveux dans cet ancien salon de barbier (le plus ancien du village) qu’elle avait décoré avec tout plein d’objets hétéroclites était magique. Comme une thérapie. Il m’est même arrivé d’être en service et d’aller me faire faire une petite «trime» tellement c’était près de la pharmacie. Avec mon iPad sur le comptoir d’accueil et Facetime, je pouvais revenir à la pharmacie dès qu’un client s’y présentait en enjambant le stationnement et l’oreillette de mon téléphone se rendait, ce qui me permettait de prendre les appels durant mes «sessions». C’est ça un village!


Un jour, Guylaine est venue à la pharmacie en se plaignant d’un mal de tête et de son oeil qui était croche. Je lui avais recommandé de camper au Royal Vic pour qu’elle voit un neurologue. Trois mois plus tard, elle décédait d’une tumeur au cerveau. Son cas allait en précéder un autre, qui cette fois toucherait de trop près une autre amie qui m’a aidé à créer la pharmacie et l’épicerie. Guylaine a été la première cliente que j’ai perdue. Je me souviendrai toujours de cette soirée ou May et moi nous sommes rencontrés à Vaudreuil pour lui rendre hommage. Durant presque trois mois après qu’elle nous ait quitté, le facteur apportait le courrier de son salon à la pharmacie. Chaque lettre me rappelait Guylaine.


May aussi, était une madame calin. Et son français impeccable, avec son bel accent de son Liban natal m’ont souvent réconfortés. (Trois fois le mot «son» dans cette phrase. Ma reine du français, Geneviėve, dort encore…?
Quand vous irez la voir, dans son magasin de vêtement, vous aurez la très agréable impression d’être transporté à la Nouvelle-Orléans, dans les années 70, et vous trouverez May, telle une reine, assise à sa belle table pleine de miroirs, de bijoux, de foulards et de magazines.


Je te promet que je reviendrai te voir souvent ma chère Madame May. xx