6 août 2023

C’est avec les sourires des « Djé » sur le quai de l’Anse St-Jean que Bonita entreprend le voyage de la « renverse ». Après une escapade à l’Anse des Petites Îles sur le Saguenay avec la troupe de Rimouski, nous mettons le cap sur Tadoussac, Pavlo et moi. Le vent souffle de l’Ouest de 10 à 15 noeuds et ce sera donc une douce descente.

La troupe de Rimouski!
La vie à bord.
L’île Coquart
Charles et moi avons écouté la corne de brume du cargo qui passe sur le Saguenay pendant que tout le monde commence à se réveiller. Écouter jusqu’à la fin.
Deux iguanes sur un iguane durant la baignade de l’Anse St-Étienne
Pavlo rencontre le fjord entre l’Anse St-Jean et Tadoussac.
Solidarité marine!

Lundi, 7 août

La journée à Tadoussac se déroule lentement et nous prenons la décision de partir pour Cap-à-l’Aigle aujourd’hui parce qu’on annonce du mauvais temps demain avec des vents de 35 noeuds.

À la marina, j’ai eu une longue et belle conversation avec Coralie, puis Sandra, Julie et Juliette. Quelle belle équipe. Alors que j’étais sur le point de quitter, Sandra et moi avons parlé de mon blogue et de ma question: « si tu avais la chance de changer une chose dans ta vie, ce serait quoi ? ». Puis, elle m’a parlé des projets artistiques sur lesquels elle avait travaillé avec les jeunes de la région. De fil en aiguille, je lui ai raconté mes hallucinations marines avec Marc Roberge l’année dernière, durant Saguenay 2022 – la remontée. Il était question de « voile à conte ». La baie de Tadoussac serait un endroit de prédilection pour lancer l’idée et Sandra est devenue toute émue en y pensant. J’ai hâte à Saguenay 2024!

Sur les quais, je fais connaissance avec Sophie et Sacha, du Panache IV et je revois Jean, du voilier « Ouf  ». On va partir en petite flottille à 14h30.

Panache IV devant, en route pour Cap-à-l’Aigle
Cap-au-Saumon

Après une magnifique traversée de 7 heures, nous accostons à Cap-à-l’Aigle Juste avant que la pluie commence. Demain, Environnement Canada prévoit des pluies diluviennes et des vents forts. Le Refuge de Cap-à-l’Aigle porte bien son nom.

Mardi, le 8 août

Hier, à Tadoussac, il y a eu un grain juste avant qu’on arrive au port avec des vents de 25 noeuds. Juliette nous a demandé d’attendre que ça passe avant d’accoster et on a fait des ronds dans l’eau.

Du quai de Cap-à-l’Aigle, il ne pleut pas des « orangeades, ni des champagnes tièdes »


Aujourd’hui, une première depuis que je suis parti le 10 juillet: je me suis réveillé à 7h15! Une grasse matinée qui commence avec une pluie soutenue que j’adore entendre sur le rouf de Bonita. J’espère qu’il pleut comme il pleut ici dans les zones de feu.

Hier, Coralie m’a dit qu’un navire s’était échoué à Trois-Rivières. Puis on a parlé du voilier qui avait percuté le traversier de l’Île-aux-Coudres et qui était en route pour Tadoussac. J’ai aussi appris qu’un voilier était échoué juste en face du quai de Tadoussac et elle m’a raconté l’histoire de son ami dont le voilier a été foudroyé deux fois. Une bonne chose que Malika ait pas entendu ça… Ça m’a rappelé les mots de Ovide, le poète: « Celui qui a fait un naufrage tremble devant des flots tranquilles. »

J’adore les jours de pluie. Ceux qui poussent à l’enchevêtrement des conversations, des lectures et des idées. Ici une vieille photo de Tadoussac, que j’ai trouvé dans le puits des images.

J’entends un moineau chanter. C’est beau. Je me demande si les moineaux chanteurs se disent: « Ah, ce n’est qu’un vulgaire humain » quand ils nous voient.

Ce matin, Pavlo m’a montré sa « story » du voyage. La vidéo ici

Mercredi, le 9 août

05h10

Dans Richard, ma chanson préférée de Léo Ferré, il parle des « brumes au Pernod » . Ici, à Cap-à-l’Aigle, c’est dans une autre sorte de brume que nous partons vers Berthier-sur-Mer. Sophie et Sacha, du Panache IV, naviguent à nos côtés. Avec leur chien Léo justement!

Panache IV devant la Malbaie
On vient de passer Cap-aux-Oies et le brouillard commence à se lever.
On croirait que Panache navigue en hiver
Un iceberg de brouillard

On est arrivé à Berthier-sur-Mer à 14h20. La traversée de 9 heures s’est déroulée comme un charme. Pas comme dirait Léo « avec le vent au cul et des sextants d’alarme » mais avec une marée qui « a enjupé notre quille ».

Berthier-sur-Mer est un petit havre où on dirait que tout va plus lentement. Et le port vit au rythme des marées. Il faut arriver et partir 1 heure après la basse comme m’a dit Béatrice à l’accueil. La première chose que je fais en arrivant ici, c’est d’aller sur le banc au bout du quai. Devant, il y a l’Île Madame, l’Île au Ruau, la Grosse Île et de l’autre côté, le mont Saint-Anne. Écrire dans mon journal ici, c’est comme un cadeau. Avec le chant du moineau et de la mésange à tête noire. Pas de goélands ce matin. Ils sont en meeting à Tadoussac pour la question des mégots de cigarette dans l’eau. Convention internationale inter-espèces avec les bélugas, les rorquals et autres mammifères marins. Je dis ça parce que ce matin, en venant sur mon banc, j’ai compté trois mégots de cigarette par terre. Et hier soir, avant de me coucher, j’ai lu un article dans Le Monde sur l’écotoxicité des mégots.

« A chaque opération de nettoyage organisée sur les côtes du monde entier, les mégots sont le déchet le plus retrouvé. A la plage ou dans les rues, on estime que 4 500 milliards de mégots sont jetés par terre chaque année à l’échelle de la planète et terminent invariablement dans les cours d’eau et l’océan.

 « La dégradation d’un mégot peut prendre jusqu’à douze ans », avertit un panneau sur la très fréquentée jetée d’Arcachon. Bien plus en réalité : au contact de l’eau, le filtre se dégrade en micro- et nanoplastiques. Un mégot de cigarette peut contaminer jusqu’à 500 litres d’eau, rappelle le ministère de la transition écologique. Et pas seulement en particules de plastique. Il relargue aussi dans l’environnement des milliers de substances chimiques toxiques : la nicotine en premier lieu, mais également des métaux lourds (arsenic, mercure, plomb) ou encore de l’ammoniac. »

En lisant l’article, je me suis souvenu de la réponse de Coralie à Tadoussac: « j’aimerais éliminer toute la pollution autour de moi ».

Message pour Djé: Je pense qu’on doit changer le mot billot par quelque chose d’autre. Regarde moi ce spécimen!

Jeudi, le 10 août

Le fleuve est grand… le monde est petit. Pendant que je mettais le blogue à jour hier, j’ai entendu cogner sur la coque. C’était Sophie et Sacha, du voilier Panache. On s’est suivi de Tadoussac à Cap-à-l’Aigle puis de Cap-à-l’Aigle à Berthier. À Tadoussac, je les ai pris en photo avec ma fidèle M7 puis je leur ai posé ma question. D’ailleurs, ils réfléchissent toujours à leur réponse 🙂 Donc, Sacha me demande si j’ai déjà navigué sur Tiguidou, « la jonque de Bruno ». Puis, il me demande si je suis pharmacien! Et Sophie de me dire « on a soupé ensemble sur Tiguidou! ». L’année dernière, sur le blogue de Saguenay 2022 avec Lilou, j’écrivais : Nous nous sommes remmémorés la date fatidique du 9 septembre 2010. Ce jour là, j’étais à Rimouski pour y suivre mon cours de navigation « Courants et marées ». Il y avait une quinzaine de bateaux, dont le Tiguidou de mon ami Bruno, qui ne pouvaient quitter le port depuis cinq jours à cause des vents du nord -est qui soufflaient l’enfer. Durant la nuit, les gens de la marina étaient à genoux sur les quais pour renforcer les défenses des bateaux et des quais ont été arrachés. Les vagues passaient par dessus la jetée. Cette nuit là, Nathalie a quitté la marina à 03h00 du matin. Tout le monde ici se rappelle du 9 septembre 2010.

Et bien, une de ces soirées, je l’ai passée avec Bruno, Michèle, Sophie et Sacha sur Tiguidou! Et on a mangé un spaghetti et des vérines à la confiture que Sophie avait préparées. Délicieux moment et délicieuses vérines 🙂 Je me souviens de comment ce couple de jeunes m’avaient impressionnés avec leurs histoires de navigation sur leur Kelt. Quelle merveilleuse surprise!

Le fleuve est grand… le monde est petit. J’ai appelé Bruno pour lui raconter ça. Il a ri. De ce rire de Bruno que j’adore.

Sacha et Sophie

Nous attendons l’étale pour partir vers Québec. J’ai faim, je vais aller faire des crêpes!

Départ à 10h45. Une heure après la basse mer à Québec. Il est maintenant midi (3 heures avant la pleine mer à Québec) et selon l’Atlas des courants et marées, nous environs 1.5 noeuds de courant avec nous. Ça y va « yinque su’une gosse » comme on dit au Saguenay.

Cette année, la quantité et la grosseur du bois qui fleuve sur le fleuve et le Saguenay est hallucinante. D’ailleurs, un des voiliers qui faisait partie d’une flottille a frappé un billot la nuit et a du rebrousser chemin vers Tadoussac pour être réparé.

Le « mirage » de Malika

Arrivée à Québec à 14h20. Je file chez mon rendez-vous avec le barbier dans le quartier St-Roch. En ouvrant mes textos, je vois les photos de moi que Rémi a prises durant notre expédition à l’Ile St-Barthélémy sur le Saguenay avec Gigi et Annie. Une des photos me fait me redire les mots de Maya Angelou: « Les gens ne se souviendront pas de ce que tu as dit et de ce que tu as fait. Ils se souviendront de comment ils se sont sentis en ta présence. » Je me rappellerai toujours de ce que tu m’as fait ressentir Bonita.

Vendredi, le 11 août

Aujourd’hui, il pleut. C’est un bon temps pour ce que j’ai à faire aujourd’hui, Réunion à 10h30, manucure et pédicure à 15h30 et souper au spaghetti sur Bonita avec Marie-Lou et Mathieu.

Hier, Gigi et Erik Yelemanov m’ont informé de la mort de Rodriguez. Qu’est ce que j’ai été touché par cet homme, son histoire et sa musique. J’écris en écoutant Crucify your mind, Cause, et Sandrevan Lullaby.

Puis, c’est aussi Robbie Robertson qui est parti. Être sur Bonita et écouter Somewhere down this crazy river, fait de l’effet. Tout le monde part… Avec un Laser ou un super yacht, une Lada ou une Rolls Royce. « Oublie jamais combien tu gagnes » 🙂

Samedi, le 12 août

Journée de repos à Québec. Hier, Marie-Lou et Mathieu sont venus souper et on a parlé de l’orage du 13 juillet dernier, le soir où Malika et moi avons dormi à l’Île d’Orléans. Marie-Lou en a fait un vidéo. Assez impressionnant!

Hier, je suis allé chez Ongles Rose. Rose est l’esthéticienne et il ya plein de trucs roses dans son joli salon. Je n’ai pu m’empêcher de croquer un des objets 🙂

La journée s’est terminée par une petite sortie devant Québec.

Dimanche, le 13 août

Lever à 03h30, café et rôties du pain de la Boîte à pain, puis le lavage. Qui m’a permis de faire un somme d’une quarantaine de minutes. Il pleut et ça sent l’orage.

J’ai eu de la belle visite cet après-midi. Erik et Stéphanie étaient de passage à Québec et ils sont venus prendre un café sur Bonita. Comme je dit souvent aux amis et amies de Laurent et Lili: Si vous avez des enfants je vous souhaite qu’ils aient des amis comme vous l’êtes pour les miens. Quelle belle rencontre!

En partant, alors qu’on marchait sur les quais, Erik me disait comment il avait parlé à Steph des bons biscuits que Gigi et moi achetions quand ils étaient ados et qui disparaissaient durant les nuits où ils dormaient chez nous. 🙂

Lundi, le 14 août

Départ pour Portneuf aujourd’hui. Après un croissant avec Élie et un sandwich avec Stéphane et Charles-Étienne.

Mon dernier éclusage du bassin Louise cette année. Salut Québec!

À la hauteur de Neuville, ça fait au moins une heure que Bonita réagit bien aux coup de gueule du fleuve. Vent de 20 noeuds ( qui devait devenir léger tôt en soirée) qui retrousse la vague.


Quand les paquebots font du design de vagues, ça brasse!

« roro au capitaine, roro au capitaine,ça brasse non? « capitaine à roro, ouais je pensais justement faire un malika de moi-même et suggérer qu’on s’arrête à la marina de Neuville qu’on voit là-bas pour la nuit ».

Amarré au quai de la charmante marina de Neuville. C’est ici, au chantier “Passion marine”, que Bonita a failli passer un an en 2009 pour sa réno.

Mardi, le 15 août

Départ de Neuville à 07h30. Autant le fleuve était houleux hier, autant il est tranquille ce matin.

Il n’y a tellement pas de vent que les goélands font des 360.

Comme je suis arrivé au début du Rapide Richelieu trop tard (où trop tôt…), j’ai décidé d’arrêter à Portneuf. Ici, le décor est à couper le souffle.

Pendant mon souper, j’entends un appel de détresse sur ma radio. Un hydravion s’est écrasé dans le fleuve dans le secteur de Neuville où j’ai passé ma dernière nuit. Les pompiers de Portneuf partent de la marina et pendant 1 heure, j’entends la Garde Côtière qui coordonne les communications pour la recherche. Quelque temps plus tard, les policiers de Portneuf viennent me demander si j’ai vu une embarcation de plaisance rapporter un des « patins » de l’hydravion. Je communique avec la Garde Côtière pour eux sur le 16.

Au moment d’écrire ces lignes à 10h45, les deux pompiers de Portneuf n’étaient toujours pas rentrés mais les bateaux de la Garde Côtière et de la SQ patrouillent toujours le secteur. On en saura plus demain. Triste.

Mercredi, le 16 août

06h45. Départ de Portneuf. Prochaine escale, Trois-Rivières. Pour le ravitaillement ou pour la nuit, c’est selon.

On en sait pas beaucoup plus sur l’écrasement de l’hydravion d’hier. Quelle tragédie!

Jeudi le 17 août 2023

8h30. Départ de Trois-Rivières.

Aujourd’hui, je traverse le lac St-Pierre avec, selon Environnement Canada, un vent du sud. Je pense que c’est la première fois que je naviguerai avec un vent du sud franc. Sud-ouest, sud-est, oui mais sud-sud? En tout cas, si on se fie à la bouée C48, il vente pas fort.

Hier, j’ai demandé à Rémi-toutou de m’envoyer quelques photos de nos amoureuses durant notre escapade sur le Saguenay. J’ai reçu deux photos magnifiques!

Ma destination d’aujourd’hui se décidera selon le vent. À suivre donc.

Changement de pilote à Trois-Rivières.
Arrivé à l’Île Plate.

Finalement, l’avertissement de vent fort était… un avertissement. Les drapeaux de Bonita ont dormi toute la journée 🙂 Donc, je vais moi-même dormir à l’Île Plate et partir tôt demain. Non sans au préalable, me baigner!

Le paysage de la fin de la journée au son des sternes et des troglodytes des marais.

Vendredi, le 18 août

05:15. Départ de l’Île Plate en route pour Montréal. La nuit à l’ancre était vraiment paisible. Que le clapotis sur la coque. La pluie n’a commencé que trente minutes plus tard. Ce qui m’a laissé le temps de me préparer. Le vent est avec moi ce matin. Il est doux et chaud ce qui rend la pluie tiède.

À l’est, il fait encore soleil.
Un message à Philippo! Le créateur de “Ni pour ni contre”

En arrivant dans le port de Montréal, le moteur se met à siffler. Je l’arrête et je me met un peu de génois. Mon Navionics a capté la chose.

Le Federal Rideau a de la peine.

Arrivée à la Marina de Longueuil à 20h15. Demain, les écluses avec Gigi et… Maison!

Samedi, le 19 août

Départ de Longueuil à 10h30. On fait le plein de diesel et la préposée, Karine, a une réponse toute marine à ma question. À lire et voir sur communitics bientôt.

Gigi, la reine des écluses… et du français!
Le Ramelia, un cargo suédois propulsé au gaz naturel liquéfié.
L’Île St-Nicholas. On entre dans le lac St-Louis.
20 noeuds de vent dans la face mais heureux d’être ensemble pour la dernière portion du voyage.

Saguenay 2023 se termine ici. Quelle épopée! Trente-huit jours depuis le départ de Dorval avec Malika. Qui a été tellement riche en rencontres et paysages. Avec Laurent et Catherine dans le fjord avec un ris et le soleil, avec la poutine maison de Charles, la belle jasette avec Lili au coin du feu et les pommetiers qui parlent avec leurs branches, la baignade dans la rivière Rimouski, Jérémy, mon partner de chapeau de pluie, Pavlo et les leçons de français, les sorties avec le Laser au lac Clair, le séjour merveilleux au chalet de Annie et Rémi, l’ours de Rimouski à l’Anse des petites Îles, le canal du sud et les écluses avec ma Gigi, et Bonita … ma chère Bonita. À qui j’ai parlé, qui m’écoutait quand je parlais aux oiseaux qui me regardaient perchés sur leurs bouées, et qui me parlait à son tour avec ses drapeaux, ses drisses et ses winchs. Merci !

Rien n’est pire que d’être poursuivi sans trêve, jusque dans ses rêves, par l’éternelle monotonie du monde réel.

(Resor utan mäl)

Photo: Rémi