Le 20 mars dernier, Pierre Théroux est parti. Un humain extraordinaire, un cardiologue de réputation internationale dont les travaux ont eu un impact majeur dans le traitement de l’angine instable. Entre autres…

J’ai connu Pierre Théroux en 1986, au début de mes années Genentech. C’était l’époque de la «guerre» des fibrinolytiques dans le traitement de l’infarctus aigu du myocarde. Il était Chef de l’unité coronarienne de l’Institut de Cardiologie de Montréal. Trois ans plus tard, assis dans un auditorium de Anaheim en Californie, j’assistais à la présentation du quarantième anniversaire de l’American College of Cardiology. On y faisait une rétrospective des faits marquants des quarante dernières années. Une diapositive par année. Je me souviens comme si c’était hier de l’émotion que j’ai ressenti quand j’ai vu l’article de Pierre Théroux et al. dans le NEJM de 1988 apparaître à l’écran. J’aurais tellement voulu ne pas être seul pour pouvoir exprimer toute ma fierté et mon émotion.

Pour beaucoup de gens, Pierre Théroux semblait être difficile d’approche. Mais peut-être était-ce parce qu’il était incapable de tolérer une entorse aux faits, une méconnaissance de la science, ou les deux. Durant nos conversations, s’il souriait, c’était le signal que j’étais dans le champ. Il devenait alors très sérieux et m’expliquait la faiblesse de mon argumentation ou la petite précision qui manquait.

C’était un grand clinicien. Un jour, un de mes amis, pilote d’avion, m’appelle pour me dire qu’il a ressenti une douleur à la poitrine en jouant au tennis. Connaissant son histoire familiale – son frère était mort d’un infarctus massif à 39 ans – je lui recommande d’aller à l’hôpital immédiatement. Le lendemain, mon ami m’appelle pour me dire que son cardiologue ne lui avait rien trouvé et qu’il resterait en observation pour 24 heures. Comme je n’étais pas rassuré, j’ai demandé au Dr Théroux s’il pouvait parler à son cardiologue. Après avoir consulté son dossier, il avait lui-même dépêché une ambulance pour aller chercher mon ami et l’amener à l’Institut de Cardiologie. Il avait anticiper le blocage de sa «LAD» qu’on appelle la «widow-maker» en anglais. Ils sont intervenus le lendemain. Trente-cinq ans plus tard, mon ami est toujours vivant!

Quand Éric et moi avons créé Conceptis en 1995, il avait accepté de nous aider à développer ce qu’on appelait les «réseaux d’investigateurs cliniques virtuels». Vingt ans plus tard, je suis allé à l’Institut lui montrer le Kardia de AliveCor, ce dispositif de santé numérique qui permet de dépister la fibrillation auriculaire. Il était comme un enfant devant un nouveau jouet. Il m’avait tout de suite amené voir le Chef de médecine de l’Institut pour lui faire une démo. Je n’étais pas peu fier.

J’ai rencontré le Dr Théroux avec sa fille Julie, la dernière fois sur la rue à Montréal, il y a quatre ans. J’ai ressenti de la joie de le revoir et de la tristesse quand il m’a annoncé qu’il avait un problème de santé.

Un de mes anciens collègue m’a appris son départ le week-end dernier. Je suis estomaqué que le décès de ce géant de la cardiologie soit passé sous silence. À l’image de sa grande humilité.

Au revoir Pierre Théroux… et merci!